Droits humains

DROIT HUMAINS



Les droits de l'homme (parfois écrits « droits de l'Homme »), également appelés droits humains ou droits de la personne (par exemple dans un contexte de communication gouvernementale au Canada), sont un concept à la fois philosophiquejuridique et politique, selon lequel tout être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit positif (droit en vigueur) ou d'autres facteurs locaux tels que l'ethnie, la nationalité ou la religion.

Selon ce concept, tout être humain — en tant que tel et indépendamment de sa condition sociale — a des droits « inhérents à sa personne, inaliénables et sacrés », et donc opposables en toutes circonstances à la société et au pouvoir. Ainsi, le concept de droits de l’homme est par définition universaliste et égalitaire, incompatible avec les systèmes et les régimes fondés sur la supériorité en dignité d’une caste, d’une race, d’un peuple, d’une classe ou d’un quelconque groupe social ou individu par rapport à un autre ; incompatible tout autant avec l’idée que la construction d’une société meilleure justifie l’élimination ou l’oppression de ceux qui sont censés faire obstacle à cette édification.

Les droits de l'homme, prérogatives dont sont titulaires les individus, sont généralement reconnus dans les pays démocratiques par la loi, par des normes de valeur constitutionnelle ou par des conventions internationales, afin que leur respect soit assuré par tous, y compris par l'État. L'existence, la validité et le contenu des droits de l'homme sont un sujet permanent de débat en philosophie et en science politique.



Terminologie

Depuis 1948 et la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le terme de « droits humains » est d'usage courant dans la plupart des langues dans lesquelles elle a été traduite. Néanmoins, en français, notamment en France, l'expression « droits de l'homme » est consacrée par l'usage, notamment dans le texte fondateur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui ne distingue pas les hommes des femmes, mais les hommes des citoyens.

La dénomination française est parfois perçue comme sexiste ou non représentative. En effet, l'expression « droits de l'homme », héritée du XVIIIe siècle, est la seule parmi les langues romanes à véhiculer l'ambiguïté l'homme « mâle » et l'Homme « être humain », bien que le mot latin homo dont elle découle étymologiquement désigne l'être humain (l'homme mâle étant désigné par le mot vir). En 1998, la Commission nationale consultative des droits de l'homme préconise de maintenir l'expression traditionnelle.

Néanmoins, en 2018, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes appelle à cesser l'utilisation du terme « droits de l'homme », qu'il considère comme discriminant envers les femmes, pour préférer l'expression « droits humains ». Toutefois, « droits humains » est aussi critiqué en raison des connotations liées à l'adjectif (droits appliqués avec humanité) et du fait même d'utiliser un qualificatif (droits qui sont de nature humaine) en effaçant la référence au sujet alors qu'il s'agit d'exprimer que ces droits appartiennent à un individu. En d'autres termes, « Ce ne sont pas les droits qui sont humains, c'est l'Humanité qui a des droits ».

L'expression « droits des femmes » qui est utilisée lorsqu'il est spécifiquement question des femmes (comme on parle des « droits des enfants » et des « droits des étrangers ») peut donner à penser que les femmes auraient des droits différents de ceux des hommes en général. Pour sortir de ces ambiguïtés, certains comme le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), proposent de parler de « droits de la personne », comme il est fait au Canada.

Amnesty International en France a explicitement choisi de parler de « droits humains » comme le fait la section suisse de cette organisation dans ses publications en français. Il est à noter que les autorités suisses utilisent régulièrement, au plus haut niveau, l'expression « droits humains » plutôt que « droits de l'homme ».

Enfin, l'usage « droits de l'Homme » avec un « H » majuscule à « Homme », ce qui donne au mot le sens de personne collective, n'est guère attesté dans les dictionnaires de langue française. En revanche, il est souvent utilisé chez les juristes et dans les textes normatifs français, comme les journaux officiels.


Histoire

Cylindre de Cyrus

 « Il est difficile d'identifier avec précision les origines de la philosophie des droits de l'homme. Le regard de l'observateur est en effet assez mécaniquement obscurci par une forme de paréidolie historique qui le pousse à voir rétrospectivement dans des textes anciens des expressions de cette philosophie ». Ainsi, le cylindre de Cyrus est souvent mentionné anachroniquement comme la « première charte des droits de l'homme ».

Gravé dans l'argile à la demande de Cyrus le Grand après sa conquête de Babylone en -539, ce document fut redécouvert en 1879 et traduit en 1971 par l'Organisation des Nations unies dans toutes ses langues officielles.

Le cylindre décrète les thèmes normaux de la règle persane : tolérance religieuse, abolition de l'esclavage, liberté de choix de profession et expansion d'empire. Il se situe dans la tradition mésopotamienne présentant l'idéal du roi juste, dont le premier exemple connu est celui du roi Urukagina de Lagash, ayant régné au XXIVe siècle av. J.-C., et dont un autre représentant illustre est Hammurabi de Babylone, avec son code datant du XVIIIe siècle av. J.-C.

L'inscription de Cyrus présente pourtant quelques caractères novateurs, notamment sur les décisions concernant la religion.

Ce document retrace les événements ayant précédé la prise de Babylone, puis expose les décisions de Cyrus le Grand pour les Babyloniens : il règne pacifiquement, délivre certaines personnes de corvées considérées comme injustes, il octroie aux gens déportés le droit de retour dans leur pays d'origine et laisse les statues de divinités autrefois emmenées à Babylone revenir dans leurs sanctuaires d'origine. Il proclame la liberté totale de culte dans son empire.

Autres références dans l'Antiquité

Des droits naturels ou intrinsèques à l'homme sont déjà explicitement mentionnés :


Édit de Milan

Les droits de l'homme, tels qu'ils sont apparus dans l'histoire européenne et tels qu'ils se sont ensuite généralisés au monde entier à travers les organisations internationales, tirent plus particulièrement leur origine, selon Mgr Mamberti, de l'édit de Milan, application concrète des enseignements du Christ et de saint Paul.

Cet édit de tolérance a été promulgué en 313 par l'empereur romain Constantin Ier afin d'autoriser la liberté de culte aux chrétiens. La liberté de religion et de conscience sont en effet les premiers des droits de l'homme.


Autres références en Afrique

  • Au XIIIe siècle, en Afrique, voir le texte-serment de la charte du Manden (inscrite par l'Unesco au patrimoine immatériel de l'humanité), qui énonce déjà des formulations très modernes des principes d'égalité devant la loi et de non-discrimination.
  • Aux XVe et XVIe siècles, les grands jurisconsultes islamiques de l'empire du Mali établissent des principes très similaires à ceux qui seront établis plus tard dans les déclarations « modernes » des droits de l'homme (voir en particulier les manuscrits de Tombouctou).


Époque moderne

La notion de droits minimaux dus à la seule qualité d'être humain, ou « droits naturels », est à la fois ancienne et générale.

Ce qui caractérise l'idée des droits de l'homme, c'est la volonté de les inscrire explicitement dans le droit (oral ou écrit), de leur reconnaître une application universelle et une valeur juridique supérieure à toute autre norme. On passe alors souvent par une forme de proclamation, plutôt que par les règles ordinaires d'édiction des normes légales ; les termes utilisés sont ceux d'une évidence préexistante et indiscutable, qu'on découvre et qu'on reconnaît, plutôt qu'une simple convention discutable.

L'unanimité est implicitement convoquée comme source de la légitimité de ces droits. Même si des références au divin ou des influences religieuses peuvent se trouver, elles apparaissent comme accessoires, et l'application des droits se veut indépendante de toute affiliation religieuse. Cette indépendance constitue la principale différence entre la base philosophique des droits de l'homme et celle du droit divin, sachant que les deux ont en commun la croyance en l'existence de règles universelles et permanentes. Ne comportant de référence à aucune religion particulière, si ce n'est à l'« Être suprême », pour la déclaration française de 1789, les droits de l'homme ont vocation à s'appliquer indépendamment des différentes sensibilités religieuses.


Grands textes (XIIIe  – XVIIe siècles)

Avec cette définition (non du contenu, mais de la forme), on peut remonter au moins jusqu'au Moyen Âge pour trouver les premières manifestations, concrètes et avec des effets réels dans les pratiques, de l'idée des droits de l'homme, réunies sous le nom de droits de l'homme de la première génération :

Pendant le XVIe siècle, en Occident, la découverte des peuples indigènes de l'Amérique par les Européens et les premières pratiques de déportation d'Africains vers le « Nouveau Monde » sont à l'origine de l'activisme pour les droits humains de Bartolomé de las Casas et certains secteurs de l'Église catholique, comme la papauté elle-même, qui se manifestent avec les actes Veritas ipsa et Sublimis Deus.

Une approche des droits de l'homme et du citoyen sur le modèle antique apparaît en 1755 avec la Constitution du Généralat de Pascal de Paoli en Corse (le premier État démocratique du siècle des Lumières pour Voltaire et Rousseau), reprise ensuite par Lafayette et Thomas Jefferson pour les États-Unis (Loge des Neuf sœurs).

La constitution corse contient les prémices de droits de l'homme dans une société démocratique, tels que la séparation des pouvoirs et le suffrage universel.

Dans L'Histoire des deux Indes, l'expression « droit de l'homme » apparaît au chapitre 4 : « L’homme qui revendiquerait les droits de l’homme, périrait dans l’abandon ou dans l’infamie ».


Première déclaration des droits humains (1776)

La première Déclaration des droits humains est celle de l’État de Virginie (États-Unis), écrite par George Mason et adoptée par la Convention de Virginie le 12 juin 1776 (appelée en anglais le Bill of Rights américain).

Elle a été largement copiée par Thomas Jefferson pour la déclaration des droits humains incluse dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776, par les autres colonies pour la rédaction de leurs déclarations des droits humains, et par l’Assemblée française pour la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu'elle aura inspiré largement la Déclaration universelle des droits de l'homme votée par l'ONU en 1948.


Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789)

L’Assemblée nationale française, dès qu’elle s’est déclarée constituante, a décidé de rédiger une déclaration. La discussion débute le 9 juillet et débouche sur un vote le 26 août 1789, sous l’influence des chefs de file du tiers état et de la noblesse libérale. Ratifiée seulement le 5 octobre par Louis XVI sous la pression de l’Assemblée et du peuple accouru à Versailles, la déclaration de 1789 servira de préambule à la première Constitution de la Révolution française, adoptée en 1791.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est promulguée par le roi le 3 novembre 1789 : c'est une déclaration philosophique universaliste (droits de l'homme) et juridique (droit du citoyen).

Dès 1790, dans son ouvrage Réflexions sur la Révolution de FranceEdmund Burke dénonce la Révolution française et plus précisément l'abstraction des droits de l'homme. L'année suivante, James Mackintosh (1765-1832) dans ses Vindiciae Gallicae, ouvrage qui constitue une réponse au livre de Burke, exprime le point de vue philosophique d'un libéral sur les événements de la Révolution française jusqu'au printemps 1791. Il prend la défense des droits de l'homme et son livre est un témoignage intéressant du point de vue d'un whig cultivé à cette époque, représentatif de la philosophie libérale issue du siècle des Lumières. Les excès des Révolutionnaires et de la Terreur le conduiront cependant quelques années plus tard à rejoindre Burke dans sa critique. Quant à Jeremy Bentham, récusant l’idée de droits naturels, il critique les droits de l'homme dans une perspective utilitariste.

Thomas Paine réplique aux attaques d'Edmund Burke dans Réflexions sur la Révolution de France, ainsi que dans Rights of Man (Les Droits de l'homme) le 29 janvier 1791 (publié en 1791-1792), ouvrage dans lequel il critique la monarchie britannique.

En 1791, le pape Pie VI condamne la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans son encyclique Adeo nota. Selon lui, sa nature purement philosophique ne peut prétendre se substituer au droit naturel ainsi qu'au droit de l'Église.

La notion de « droit de l'homme » reste pratiquement stable pendant près d'un siècle, puis en 1948, prenant en compte la réalité de problèmes sociaux, la Déclaration universelle des droits de l'homme (ONU) ajoute, à la Déclaration initiale, les droits dits de « deuxième génération » (ou « droits-créance » garantis par l'État sur les autres êtres humains). Il faut noter que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 excluait les femmes. Il faut attendre 1948 et l'intervention d'Eleanor Roosevelt pour que la notion d'égalité entre les sexes figure explicitement dans une convention internationale.

Déclaration universelle des droits de l'homme (1948)

La place de l'organisme des Nations unies dans la légitimation et la promotion des droits humains est essentielle. Le qualificatif d'universel a été inscrit dans le titre de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à l'ONU à l'initiative de René Cassin. Cette Déclaration n'a pas d'aspect contraignant, contrairement aux Pactes ou Conventions internationaux lorsque ces derniers sont ratifiés par les pays concernés.

Convention européenne des droits de l'homme (1950)

Développements ultérieurs

Depuis la Charte des Nations unies (1945) et la Déclaration universelle des droits de l'homme, la notion de droits de l'homme a été étendue, légiférée et des dispositifs ont été créés pour surveiller les violations de ces droits. Citons certains événements marquants :

Pour l'historien américain Samuel Moyn , les droits de l'homme ne sont devenus le vocabulaire préféré dans le monde pour parler de justice que depuis quelques décennies. Plus précisément, il date la naissance des droits de l'homme, comme idéologie et mouvement, au milieu des années 1970. Il fait valoir que ce ne fut que dans les années 1970, quand d'autres idéologies (socialisme utopique, anti-colonialisme, et anti-communisme) sont tombées en désuétude que les droits de l'homme ont assumé un statut d'arbitre moral ultime de conduite internationale.

Ainsi, « c'est de l'implosion des utopies antérieures qu'est née la « dernière utopie » que sont les droits de l'homme comme norme suprême censée faire advenir un monde meilleur ».

Le principal objet des droits de l’homme, à savoir imposer des limites à l’activité de l’État, serait selon Moyn une idée étrangère aux droits de l’homme « qui visaient à définir la citoyenneté et non à protéger l’humanité ». Après la Seconde Guerre mondiale, les droits de l’homme restent confinés à la seule diplomatie des États dans le cadre des Nations unies et ne sont guère revendiqués que par les courants du personnalisme chrétien qui sont « rapidement identifiés à l’anticommunisme et à la seule défense du monde occidental ».

Concept en extension

La philosophie des droits de l'homme n'a de cesse de s'interroger sur leur existence, leur nature et leur justification :

  • les droits de l'homme sont des prérogatives dont les individus ou des groupes sont titulaires. L'État et les institutions sont tenus de les respecter et de les faire respecter ;
  • ils sont inaliénables (personne ne peut les perdre, temporairement ou définitivement, volontairement ou non) ;
  • ils sont universels car fondés sur la raison et non sur les particularismes culturels.

Pour certains militants contemporains des droits de l'homme, des normes internationales, valables pour tous les pays et tous les peuples, doivent être édictées et soutenues — le cas échéant — par le droit d'ingérence, mais l'affirmation de leur universalité rencontre de nombreuses objections dans un monde tenté par le relativisme. C'est une question particulièrement importante de la philosophie politique contemporaine.

L'extension du concept des droits de l'homme a conduit à identifier plusieurs « générations » de Droits.

Magali Lafourcade, juriste spécialiste du sujet, souligne l'« élasticité » du concept pour rendre compte du mouvement d'enrichissement du corpus des droits de l'homme.


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